L’exposition Archipels d’encre présentée aujourd’hui à GHAYA gallery s’inscrit dans la continuité du travail plastique d’lmed Jemaiel. Elle fait échos à sa dernière exposition personnelle Maculée conception présentée en 2016. L’occasion pour lui de présenter un travail neuf, jamais montré, un ensemble de toiles qui lie son histoire de peintre à la façon si singulière qu’il a de peindre. On retrouve là les ratures, les traces, les traits et les jets qui faisaient déjà s’ébahir le public en 2014, ces éléments picturaux qu’il utilise pour habiller ses grandes surfaces carrées. lmed Jemaiel revient avec une exposition déterminante, portée en galerie au bon moment, marquant un nouveau tournant dans sa carrière.
Le spectateur ne fait pas face à un accrochage chronologique, plutôt à une suite d’accords esthétiques allant du diptyque minimaliste à la grande toile solitaire. On découvre au fil de la déambulation ses addictions pour les signes, pour les lignes et les flux qui prennent différentes directions. « Pensées comme des éclaboussures qui font tâches, îles et archipels », les traces laissées permettent d’emblée d’entrer dans l’univers si particulier de l’artiste. Pour lui, les signes qu’il utilise s’accompagnent toujours d’un vocabulaire et d’une définition propres. Nous ne parlons pas ici de calligraphie, mais plutôt d’une écriture sans langage. Elle ne réfère à rien d’extérieur, et parle pourtant du temps, des pensées volatiles de l’artiste et du monde. Pour lmed, toute entreprise d’exposition, toute réflexion autour de sa peinture, toute matrice étalée sur la toile est « un projet toujours inachevé ». Et c’est avec ces nouveaux archipels qu’il entend suspendre le temps.
Ici, il n’est pas question de répéter à l’identique un motif. On observe plutôt des tâches imprécises, minuscules, parfois microscopiques, des macules de peintures qui recouvrent le jute brut. Tout autour, le tracé du stylo acrylique est là, prégnant dans la pratique du peintre, perceptible sur la trame. Dans ses toiles, lmed Jemaiel préfère laisser le fond de côté, pour plus tard lui rendre toute l’importance que revête le support. Ailleurs, la matière est posée en surface et existe seule. Dans cette exposition, toile, motif et surface finissent par ne former plus qu’un.
Adélaïde Comby